L’INFO DU JOUR – Le patron du groupe Renault et de l’association des constructeurs européens demande à l’UE de reporter l’échéance du tout électrique à 2040. Dans la foulée il déplore également l’impact des mesures CAFE de l’an prochain et regrette que Volkswagen ait rompu le partenariat avec son groupe.
Pour le patron de Renault, qui est aussi le président de l’ACEA, l’association des constructeurs européens, « c’est vraiment très compliqué ». Quoi donc ? À peu près tout : l’échéance du tout électrique en 2035, comme la mise en place, dès l’an prochain du règlement CAFE et la position à tenir face aux constructeurs chinois.
Dans une interview qu’il a accordée à quatre médias européens (dont Les Échos pour la France), Luca de Meo tente de faire passer son message à l’UE, quelques jours après la réélection d’Ursula Van de Leyen à la présidence de la commission. Une réélection obtenue, entre autres, grâce à sa réaffirmation de l’échéance de bascule totale de l’industrie auto vers le tout électrique dans moins de 12 ans.
La gageure de passer de 10% d’électriques à 100 % en douze ans
Alors le boss du groupe Renault monte au front, comme il l’a déjà fait par le passé, pour arrêter le temps. Pour lui, il faut plutôt viser 2040 pour passer au 100 % électrique. « Nous avons besoin d’un peu plus de souplesse dans le calendrier » a-t-il expliqué. Pourquoi ? « Basculer en douze ans de 10 % de part de marché pour les VE à 100 %, c’est vraiment très compliqué. »
Si le passage au tout électrique est compliqué pour le boss du losange, la réglementation CAFE qui impose une moyenne d’émissions de 81 g au kilomètre en moyenne dès l’an prochain l’est tout autant. Pour Luca de Meo, cette mesure « coûtera plus de 10 milliards d’euros aux constructeurs européens. ». Pour autant, le président de l’ACEA ne demande ni moratoire ni annulation de la nouvelle réglementation, du moins pas publiquement.
Mais d’ici 2040, règlement CAFE ou pas, que faire ? Continuer comme avant ? Pas le genre de la maison. « Il convient de pousser le plug-in hybrid, comme le font les Chinois d’ailleurs. À la roulette, on ne peut pas miser tout sur une couleur. »
Des constructeurs chinois dont il reconnaît l’avance. « Ils ont vu très tôt l’opportunité d’un saut technologique avec les VE, alors que nous étions encore en train de discuter du diesel. Ils ont pris une génération d’avance ». Pour autant, il ne cherche pas l’affrontement. Bien au contraire. « Parce que l’industrie chinoise peut amener beaucoup à l’industrie européenne, en la stimulant par la compétition, et parce qu’elle amène de la technologie et des matières premières. ». Au travers d’une coopération plus étendue avec Geely, déjà partenaire de Renault ?
Une coopération que Luca de Meo pensait également pouvoir développer avec Volkswagen pour mettre au point une petite électrique. Là encore, l’affaire s’est brutalement compliquée. « VW a décidé, au tout dernier moment, de rester seul sur ce projet au lieu de s’allier avec nous. » Et de tacler au passage les capacités techniques allemandes en la matière. « Moi, je considère qu’on a le meilleur projet dans ce segment en Europe et on va très vite le montrer avec notre nouvelle Twingo ».
Il enchaîne avec un second tacle. « En Europe, nous ne savons pas faire ce que font les Chinois : ils savent partager entre constructeurs les technologies et les investissements. » De quoi mettre un peu d’ambiance lors des futures réunions de l’association des constructeurs dans laquelle Renault comme Volkswagen sont parti prenante.
Un attentisme politique mauvais pour les affaires
La période est donc compliquée pour Luca de Meo comme pour l’industrie auto européenne en général. Et elle peut l’être plus encore en fonction du choix des électeurs et des décisions politiques qu’elles incombent. C’est le cas en France actuellement et du flou qui règne.
Comme son compère Carlos Tavares, le patron de Renault déplore cet attentisme et espère qu’il va se régler rapidement. « Au-delà de la situation actuelle, le personnel politique doit comprendre que les sujets de stratégie industrielle dépassent le cycle d’un gouvernement ou d’une élection, et engagent le pays pour dix à quinze ans. » Un temps plus long qu’un mandat électoral.