La décision est tombée hier en fin d’après-midi : les voitures à essence d’avant 2005 et les diesel d’avant 2010 pourront circuler dans les ZFE. Sauf dans les agglomérations de Paris et de Lyon qui devront continuer à les bouter hors de la cité.
Le sujet est hautement explosif et visiblement, le ministre de la transition écologique en a conscience. Alors Christophe Béchu a réuni hier un conseil interministériel dédié à la « qualité de l’air ». Mais personne n’était dupe, et surtout pas le ministre de la transition : c’était bien une réunion consacrée aux ZFE, ces zones à faibles émissions, rebaptisée « zones à forte exclusion » par les millions d’automobilistes qui seraient condamnées à changer de voitures, ou à passer leur chemin dès leur mise en place.
Comment se tirer de ce guêpier sans avoir l’air de renoncer ? Une tradition politique bien ancrée, et cette fois encore, l’exécutif a été sauvé par le gong : l’amélioration de la qualité de l’air constatée en 2023. Les émissions d’oxyde d’azote étaient de 24 μg/m3 l’an passé, contre 26 un an auparavant. Une toute petite baisse, mais il faut rappeler que ces émissions étaient de 36 μg/m3 en 2016, année record.
Une quarantaine de ZFE, ou futures ZFE, concernées
Si la baisse est faible, elle est pourtant providentielle pour justifier la décision gouvernementale tombée en fin d’après-midi et destinée à déminer la grogne sociale qui monte (à trois mois des élections européennes) : les véhicules de Crit’Air 3 pourront toujours circuler au 1er janvier 2025, dans les villes qui ont l’obligation de mettre en place une ZFE à cette date, et dès à présent pour celles qui l’ont déjà instauré, hormis les notoires exceptions de Paris et Lyon.
Il s’agit concrètement de vider le dispositif de sa substance, puisqu’ainsi, selon le gouvernement, les mesures de restrictions persistantes ne concerneraient pas plus de 1,55 million d’automobilistes français, Soit les Parisiens et habitants du futur Grand Paris, délimité, en gros, par l’A86, ainsi que ceux de l’agglomération lyonnaise.
Les autres, habitants de l’une des quarante villes qui ont déjà mis en place leur ZFE, ou s’apprêtent à le faire, pourront donc continuer à circuler avec leur diesel immatriculé entre 2006 et 2010, et leur essence mis en circulation entre 1997 et 2005. Au final, certaines autos âgées de 27 ans seraient donc libres comme l’air dans les villes où elles étaient menacées.
Évidemment, la nouvelle a été accueillie avec un certain soulagement dans les dix agglomérations qui ont déjà mis en place des ZFE et, pour la plupart d’entre elles, ont été dans l’obligation de le faire. Des agglomérations comme Aix Marseille ou Toulouse, qui freinaient des quatre fers pour ne pas appliquer la mesure en la repoussant, peuvent désormais laisser circuler librement les Crit’Air 3.
Ailleurs, comme à Strasbourg, dirigée par des élus écologistes, les réactions sont à l’inverse. Depuis hier soir, la municipalité est vent debout contre la décision de Christophe Béchu. La capitale alsacienne tient coûte que coûte à appliquer la mesure initiale, et donc à interdire les vieilles autos dès le 1er janvier prochain. Sauf qu’elle prévient, dans le même temps, qu’il n’y aura pas de sanctions. Une information reçue cinq sur cinq par les Strasbourgeois, et une manière de ménager la chèvre de ses électeurs, et le chou de la grogne sociale.
Des financements pour aider les Parisiens et les Lyonnais ?
Reste les cas épineux de Paris et Lyon, qui ne sont pas concernés par les allègements annoncés hier et doivent toujours interdire les Crit’Air 3 et plus. Si le jusqu’au-boutisme en la matière prôné par Anne Hidalgo est connu, puisqu’elle compte sur la raréfaction de ses électeurs détenant une voiture, et qui ne seraient plus que 34 % dans ce cas, il n’en va pas de même à Lyon. Le président de la métropole, Bruno Bernard, pourtant élu écologiste a déjà repoussé l’interdiction de circulation des autos les plus anciennes à 2028.
À tous ces automobilistes contraints de s’adapter l’an prochain ou plus tard, Christophe Béchu a fait des promesses, en indiquant dès hier qu’il allait mettre en place des financements « pour faciliter la mise en œuvre opérationnelle et l’acceptabilité sociale des zones de restriction de circulation ». Pour autant, il n’a pas indiqué le moindre montant pour ces aides. Et pour cause : le gouvernement auquel il appartient cherche à économiser 10 milliards d’euros cette année sur son budget, et 20 milliards l’an prochain.