Demandez à un ancien pilote de Formule 1 de ne pas dépasser 130 km/h sur circuit en voiture électrique sportive. Tôt ou tard, il finira par se comporter comme un ancien pilote de Formule 1. Et c’est assez beau à voir.
Olivier vous décrivait récemment notre aventure en Audi e-tron Endurance Expérience, une compétition organisée par la division française du constructeur aux anneaux sur le Circuit Paul Ricard. Inspirée des épreuves déjà organisées par le passé avec des Audi A1 puis A3 légèrement préparées, dans un format où on faisait réellement la course contre d’autres équipes en se frottant parfois les portières en piste, cette épreuve n’avait en fait plus grand-chose à voir avec l’esprit de ces précédentes éditions.
Découvrir une grosse vingtaine d’Audi e-tron GT aux carrosseries stickées comme des voitures de course dans un cadre aussi grandiose que le Paul Ricard, avec tout le monde en combinaison, voilà qui colle quand même un peu des papillons dans le ventre à l’idée de piloter contre les autre au volant de ces surpuissantes machines. Le jeu vidéo Gran Turismo, mais en vrai. Pour d’évidentes raisons liées au profil des participants (ni nous ni les clients invités ne sont de vrais pilotes professionnels) ou à la nature des autos engagées (impossible d’imaginer une vraie course avec des voitures routières ultra-puissantes non adaptées à la compétition), cet Audi Endurance Experience 2024 ressemblait davantage à un challenge d’éco-conduite qu’à une véritable compétition automobile. Il fallait en effet ne pas dépasser les 130 km/h dans la longue ligne droite du Mistral du circuit Paul Ricard, un endroit où l’Audi RS E-tron Gt peut facilement dépasser les 250 km/h à fond grâce à ses deux moteurs de 598 chevaux avant de s’engager dans la légendaire courbe de Signes. Courbe que nous devions aborder à 100 km/h alors qu’elle passerait très probablement à plus de 170 km/h sans mal.
Certes, on en vient vite à se prendre au jeu même si nous avons médiocrement échoué au pied du podium avec notre voiture. Nous, les journalistes automobiles au coup de volant mal assuré, côtoyions cependant lors de cet évènement des invités à l’expertise très différente. Notamment celle de Frank Montagny, ce pilote français dont le talent l’a conduit jusqu’en Formule 1 où il parvenait à battre régulièrement son excellent coéquipier Takuma Sato chez Super Aguri à la fin des années 2000. Celui-là même dont l’œil aiguisé profite largement à la qualité de la couverture des week-ends de Formule 1 sur Canal +.
Frank Montagny ne pilote plus de manière professionnelle mais comme tous les gens de cette race très spéciale, il possède un pied droit qui le démange un peu. Et quand vous lui demandez de ne pas dépasser les 130 km/h dans la ligne droite du circuit Paul Ricard, ça le gratte. Beaucoup. « Bon, c’est quand qu’on roule ? », piaffait-il dans le box de son équipe pendant les premiers essais de l’Audi Endurance Experience.
Le soir même, il a explosé. Chaque équipe devait envoyer son pilote le plus régulier dans les deux tours chronométrés de la « super pole », deux tours de régularité où il fallait se rapprocher au maximum d’un chrono fixé à 2 minutes et 10 secondes. Dessous ou dessus ce chrono, des pénalités s’appliquaient et la pole position était dévolue à celui qui parvenait à se rapprocher le plus de cette marque sur la moyenne de ses deux tours.
Au tour de Frank Montagny de s’élancer en piste. La RS e-tron GT se catapulte immédiatement à la sortie de la voie des stands, puis le paddock entier entend crisser les pneus de sa berline électrique sportive à chaque virage. Au terme des deux tours, le chrono tombe : 1 minutes et 35 secondes. « J’étais au max, ça fait du bien », lâche-t-il en sortant de la voiture les freins et les pneus fumants. Frank Montagny, ce pilote connu pour son côté rebelle aux jolis coups d’éclat, vient de troller les spécialistes marketing du constructeur allemand en faisant ce qu’il sait faire de mieux. Et qu’est-ce que c’est beau, un vrai pilote qui pousse une voiture de sport au maximum !
Audi prévoit de rééditer l’année prochaine cet évènement totalement unique. La première édition était riche en enseignements intéressants et il y a sans doute une jolie marge de progression pour arriver à concocter une compétition moins frustrante auprès de ceux pour qui le pilotage de ces machines d’exception reste la chose la plus cool devant tout le reste. Seul avantage de cette formule très particulière, nous pouvions battre Frank Montagny au chrono sur un tour pendant la course !